Dans cet épisode, les animateurs Enrica Picco et Rinaldo Depagne discutent avec Jean-Pierre Olivier de Sardan, anthropologue franco-nigérien, et Jean-Hervé Jezequel, directeur du projet Sahel à International Crisis Group, pour évaluer la première année de l'Alliance des États du Sahel (AES). Ils abordent la dégradation continue de la situation sécuritaire au Sahel central, illustrée par l'attaque du 17 septembre 2024 à Bamako. Les invités examinent les similitudes et différences dans les nouvelles formes de gouvernance émergentes au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ainsi que les conséquences de la rupture avec les partenaires occidentaux et le recours à de nouveaux alliés internationaux.

Gouvernance, Sécurité

L'article du Centre d’études stratégiques de l’Afrique, publié le 1ᵉʳ octobre 2024, analyse la progression des groupes islamistes militants vers le sud du Mali, intensifiant la menace autour de Bamako. Depuis le coup d'État militaire d'août 2020, la situation sécuritaire s'est détériorée, avec une augmentation notable des attaques dans un rayon de 150 km de la capitale, passant de 3 en 2020 à une projection de 34 en 2024. Les décès liés à ces violences dans le sud du Mali devraient doubler pour atteindre 335 cette année. Les zones frontalières avec la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie sont également sous pression accrue. Parallèlement, les violations des droits humains attribuées aux forces maliennes et aux mercenaires russes ont augmenté, passant de 84 civils tués en 2019 à une projection de 1 044 en 2024. Ces abus érodent la confiance publique et exacerbent les tensions communautaires. L'article souligne la nécessité d'une meilleure gouvernance du secteur de la sécurité et d'une transition vers un régime civil pour stabiliser le Mali et renforcer la coopération régionale.

Droits de l'Homme, Insécurité, Transition, Coopération régionale

L'article "Performing (In)securities in West Africa: Territorial meshing and local participation in cross-border security" de Charline Kopf, publié le 19 décembre 2023 par les Presses universitaires de Louvain dans la revue Anthropologie & développement, analyse le programme d'engagement communautaire aux frontières de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans les zones frontalières du Sénégal. Basé sur un travail ethnographique mené en 2019, l'article examine diverses initiatives visant à renforcer la coopération entre les forces de sécurité et les communautés locales, telles que des pièces de théâtre de sensibilisation, des bandes dessinées et un exercice de simulation de crise. Ces pratiques de "maillage territorial" encouragent une culture de contrôle des frontières qui transfère la responsabilité de la sécurité aux citoyens. Cependant, l'auteure souligne que l'accent mis sur la participation des "communautés locales" contraste avec la standardisation globale des espaces et des logiques temporelles de prévention et de préparation, créant une tension entre les scénarios envisagés et leur déroulement réel, ouvrant ainsi un espace pour la critique et la remise en question.

Gouvernance, Migration, Frontière, Sécurité

L'article « Renforcer la stratégie sahélienne de contre-insurrection », rédigé par Michael Shurkin et publié par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique le 8 août 2022, analyse l'escalade de la violence islamiste militante au Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il souligne que les stratégies actuelles sont inefficaces face à des insurrections locales utilisant des tactiques irrégulières. L'auteur recommande une approche de contre-insurrection centrée sur la population, impliquant la restructuration des forces armées en unités plus légères, mobiles et intégrées, soutenues par des capacités logistiques et aériennes accrues. Établir des relations positives avec les communautés locales est essentiel pour réduire le soutien aux insurgés. L'article préconise également de compléter les actions militaires par des initiatives visant à améliorer les conditions de vie, la justice et le respect de la loi.

Sécurité, Djihad, Violence

Trente ans après la Déclaration de Beijing, ce rapport met en lumière l’invisibilisation persistante des femmes handicapées africaines dans les politiques publiques et les mouvements féministes. Bien que des instruments juridiques comme la CDPH ou le protocole africain sur le handicap existent, leur mise en œuvre reste insuffisante. Les femmes interrogées dans 23 pays révèlent des discriminations croisées : pauvreté extrême, violences sexuelles spécifiques, sous-représentation politique, exclusion économique, et obstacles à la santé et à l’éducation. L’approche intersectionnelle est absente de nombreuses politiques, et peu de données ventilées permettent d’agir efficacement. Ce rapport, fruit de consultations avec 244 femmes, appelle à reconnaître ces femmes comme actrices du changement et propose des recommandations concrètes pour leur inclusion. Il souligne l’urgence d’intégrer leurs voix dans les instances décisionnelles et de garantir une égalité réelle.

Santé, Violence, Discrimination, Éducation inclusive, Inclusion, Insertion socio-économique

Le rapport intitulé « Climate Change, Development and Security in the Central Sahel », publié en juin 2021, analyse l'impact du changement climatique sur le développement et la sécurité dans la région du Sahel central, notamment au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Il met en évidence l’interdépendance entre les stress climatiques, la sécurité alimentaire, les conflits et la mobilité humaine. Le changement climatique aggrave des défis préexistants comme les inégalités sociales, la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les tensions communautaires et l’essor de groupes armés. L’étude montre que les stratégies actuelles sont souvent trop sécuritaires et peu sensibles aux dynamiques locales. Le rapport plaide pour une meilleure cohérence entre politiques climatiques, de développement et de sécurité, en renforçant les moyens de subsistance, en valorisant la mobilité comme stratégie d’adaptation, et en appuyant les mécanismes de résolution de conflits locaux.

Économie du développement, Changement climatique, Sécurité, Conflit, Éducation, Développement, Sécurité alimentaire, Sécurité humaine, Menace, Production de connaissances

L'article « Can social entrepreneurs make Africa's digital boom more inclusive? » de Helen Lock, publié par Devex en juillet 2022, explore comment des entrepreneurs sociaux africains œuvrent pour rendre le boom numérique du continent plus inclusif. Malgré une économie numérique évaluée à 115 milliards de dollars et une prévision de 712 milliards d'ici 2050, moins de 25 % de la population africaine a accès à Internet. Des initiatives telles que le « Digital Enquirer Kit » de l'agence allemande GIZ visent à combler ce fossé en proposant des formations gratuites sur la désinformation et la sécurité en ligne. Ces efforts soulignent l'importance de l'inclusion numérique pour le développement économique et social de l'Afrique.

Numérique, Entrepreneuriat, Inclusion

L'article intitulé « Défendre le village et combattre pour le terroir : la mobilisation armée des groupes d’autodéfense à l’épreuve du travail agricole en Pays Dogon, au centre du Mali », rédigé par Ibrahima Poudiougou et publié en 2024 dans la Revue internationale des études du développement, analyse l'impact des groupes d'autodéfense sur les communautés agricoles du Pays Dogon, au Mali. L'étude se concentre sur l'événement du 8 juin 2022, où 350 djihadistes ont attaqué le village de Makou, dispersant ses 422 ménages dans les villages voisins. L'auteur examine comment l'émergence de groupes armés, notamment Dan Nan Ambassagou, a normalisé la violence et redéfini les relations sociopolitiques locales. L'article explore également la dualité des membres de ces groupes, à la fois paysans et combattants, et la manière dont ils équilibrent les activités agricoles avec les exigences de la résistance armée. Les solidarités lignagères et les « accords locaux » sont également analysés pour comprendre les dynamiques de pouvoir et de résistance dans ces communautés rurales.

Gouvernance, Agriculture, Sécurité, Violence, Groupes armés non étatiques, Autodéfense

L'article intitulé « Itinéraires d’émancipations par la violence : djihad, autodéfense, foncier et mémoire d’esclavage au centre du Mali », rédigé par Ibrahima Poudiougou et publié en 2025 dans les Cahiers d’études africaines, analyse comment des groupes armés, issus de couches sociales subalternes, utilisent la violence pour s'émanciper des dominations sociopolitiques et historiques au centre du Mali. L'étude se penche sur l'insurrection djihadiste et la contre-insurrection menée par des groupes d'autodéfense tels que Dan Nan Ambassagou. Les auteurs examinent comment ces acteurs mobilisent différents registres de légitimation de la violence, notamment l'appel au djihad, la résistance contre une « nouvelle mise en esclavage » et les accusations réciproques de dépossession foncière entre Dogons et Peuls. L'article illustre ainsi la reconfiguration des relations sociales internes aux sociétés peules et dogons, alimentée par la contestation des dominations et des élites locales

Sécurité, Djihad, Foncier, Autodéfense